Enseigner (en) dehors  

Sans remonter aux antiques philosophes grecs transmettant leur enseignement à leurs disciples au fil de promenades, faire classe dehors n’est pas nouveau et c’est développé au Danemark dès les années 1950. Cela semble pour autant revenir d’actualité. Les premières Rencontres internationales de la classe dehors organisées par la Fabrique des communs pédagogiques du 31 mai au 4 juin 2023 à Poitiers en témoignent. Plusieurs dimensions éducatives s’articulent dans une telle démarche.

Comme l’a montré Benoit Kermoal dans son article pour la revue [R] n°4 (septembre 2019, Centre Henri Aigueperse), depuis la fin du XIXe siècle il s’est agi de rendre « l’école vivante », de permettre l’éveil des enfants en lien avec leur environnement, de leur permettre de construire des liens entre leur vécu et les enseignements dispensés. Si l’école rurale s’y prêtait particulièrement bien, l’urbanisation a vite démontré la nécessité d’y inscrire également la dimension de « l’étude du milieu », indispensable pour comprendre la matérialisation des savoirs dans le concret des territoires.

La question environnementale vient apporter un nouveau caractère de nécessité à cette approche. Les effets du réchauffement climatique, de la pollution, du recul de la nature et de la biodiversité sont d’autant plus compréhensibles qu’ils sont visualisés, voire vécus, sur le terrain. De même les solutions d’une « écologie en actes » prend tout son sens dans le dehors de l’espace scolaire clos.

Faire classe dehors est donc à la fois une manière de donner une dimension pratique à des savoirs théoriques, les inscrire dans la vie quotidienne des élèves et répondre à une urgence environnementale.

C’est aussi modifier la pédagogie des enseignements. Certes, il est toujours possible de profiter du beau temps pour faire un cours magistral assis dans la pelouse d’un établissement scolaire ou du parc le plus proche., mais pour la plupart des enseignant.e.s qui choisissent de sortir avec leurs élèves, il s’agit aussi de proposer d’autres formes d’apprentissage, d’observation, de coopération et pas seulement de déplacer l’école hors de ses murs.

Enfin, renouer avec la nature et son approche sensible – ce qui est apparu comme indispensable après les confinements dus à la pandémie de Covid-19 – permet également de développer l’imaginaire. Dans l’introduction de livre de Crystèle Ferjou, avec Moïna Fauchier-Delavigne, « Emmenez les enfants dehors ! Comment la nature est essentielle au développement de l’enfant » (2020, Robert Laffont), le romancier Michael Chabon est ainsi cité : « Si les enfants désertent les terrains vagues et les lits des ruisseaux, les ruelles et les bois, que deviendront le monde des contes et la littérature elle-même ? » et l’autrice de compléter par cette question « Quels souvenirs d’enfance garderont nos enfants ? ».

Une approche encore à développer surtout dans le secondaire, mais qui permet d’envisager l’école en dehors de l’école, dans ce bel oxymore utilisait par Nathalie Carminatti, Carole Gauthié, et Marie-France Carnus pour étudier la continuité pédagogique (« Faire l’École en dehors de l’école : l’oxymore de la continuité pédagogique », Pierre-Olivier Weiss éd., L’éducation aux marges en temps de pandémie. Précarité, inégalité et fractures numériques. Presses universitaires des Antilles, 2022, pp. 155-180), qui dit à la fois le hors-les-murs physique que la manière d’échapper à l’enfermement psychique, intellectuel, mental, de l’imaginaire du monde scolaire clos.

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Image : L’école dehors ©Getty


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