Colonies de vacances : faire plus, certes, mais faire mieux… ?

Avec la pandémie de Covid, les accueils collectifs de vacances et particuliers les séjours ont connu une très forte diminution de fréquentation et la reprise est d’autant plus difficile que cette baisse date de plusieurs années.

Comme le montre le tableau ci-dessus, publié par Statista Research Department, le 5 mai 2023 et représentant le nombre d’enfants ayant été accueillis en colonie de vacances en France 2009-2022, cette période enregistre une baisse progressive du nombre d’enfants reçus dans ces colonies de vacances. Ainsi, si le nombre de mineurs accueillis a diminué de manière conséquente lors de la saison 2019/2020, en raison de la pandémie mondiale, il est passé de plus d’1,5 million en 2010/2011 à moins de 1,3 millions en l’espace de sept saisons de vacances scolaires.

Deux dispositifs gouvernementaux récents ont été institués et on comme objectif – entre autres – de faciliter le départ en séjour collectif de vacances pour davantage d’enfants, en particulier en agissant sur une diminution du prix à payer pour les familles.

Ainsi en 2020 a été mis en place le dispositif des « colos apprenantes » [qui poursuit, selon le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse] « un triple objectif : social, en favorisant le départ en vacances de mineurs notamment de milieux modestes et en rendant possibles les rencontres entre pairs de différents horizons ; éducatif, en permettant aux participants d’acquérir ou de consolider des connaissances et des compétences par des démarches et des méthodes d’éducation populaire assurant un haut niveau de qualité éducative ; et culturel par la découverte de territoires et d’activités proposées dans le cadre sécurisé des accueils collectifs de mineurs au sein desquels ces derniers apprennent les règles de la vie en commun et partagent des valeurs de tolérance et de laïcité ». Il s’agit d’un label qui permet aux enfants des familles les plus modestes de partir en séjour d’au moins cinq jours et d’y approfondir leurs apprentissages.

Le jeudi 27 juillet dernier, Aurore Bergé, nouvelle ministre des Solidarités et des Familles, a annoncé la création l’année prochaine d’un « pass colo », expliquant : « Je souhaite qu’on aille plus loin sur la question des colos. La colo aujourd’hui, malheureusement, les Français y ont de moins en moins recours alors que c’est formidable. Ce qu’on souhaite mettre en place dès 2024, c’est que pour 80% des enfants à peu près […] il y ait un « pass colo » qu’on va créer, très simple d’utilisation. Il sera doté de 200 à 350 euros par enfant et vous permettra d’envoyer votre enfant en colo grâce à nos CAF qui sont très identifiées dans chacun de nos départements ».

Le caractère économique de ces deux mesures laisse entendre que le frein principal au départ en colonies de vacances serait le coût des séjours. Cela est partiellement vrai, mais ce n’est qu’une partie de l’explication. Dans une note pour le comité d’histoire des ministères en charge de la jeunesse, Julien Fuchs et Francis Lebon pointent « leur baisse sensible de popularité, leurs difficultés grandissantes à remplir leur rôle de mixité sociale ou encore la marchandisation du secteur [qui] interrogent quant à leur capacité à demeurer des instances de socialisation prioritaires pour les enfants ».

Ils précisent que « devant les remises en question, les colonies se sont adaptées en remettant sans cesse sur le métier leurs finalités, leur organisation, leur style ». Une affirmation certainement très optimiste qu’eux-mêmes modèrent en parlant « d’un univers en pleine réflexion ».  Parmi les objectifs des séjours collectifs de vacances demeurent « comme des raisons d’agir pour les dirigeants et les animateurs, l’apprentissage de la vie collective, un certain sens de l’initiative et la formation d’une conscience responsable par des méthodes autres que celles de l’école, en particulier par la confrontation d’enfants de cultures différentes avec des modes de vie inhabituels pour eux ».

Dans un communiqué, la JPA (jeunesse au plein air), association à l’initiative de l’idée du Pass-Colo, salue la mise en place de ce dispositif, se réjouissant qu’ « alors que la situation financière des familles se dégrade ces derniers mois, cette aide viendra offrir une bouffée d’air frais aux jeunes de ce pays ! [leur permettant de] vivre une expérience qui mêle mixité sociale, mobilité, apprentissage et vivre ensemble. C’est essentiel pour permettre aux enfants de s’épanouir et de devenir des citoyens engagés »

C’est justement sur cette plus-value au-delà des activités qui devraient faire des colonies autre chose que « simplement des vacances » que Jean-Michel Bocquet émet des réserves. Il regrette « le choix d’une régulation du secteur par le marché, le choix d’un modèle touristique, alors que les colos sont un outil qui devrait être utilisé par des politiques publiques pour construire égalité, citoyenneté et émancipation ». D’autant que « la création du pass ne se traduit pas par une obligation faite aux organisateurs de changer des pratiques, les manières de faire colo. Aucune obligation de mixité, mais aussi aucun changement quant à ce que devraient être des colos payées en partie par l’État ».

Il y a en effet colonies et colonies. Une grande diversité des organisateurs (associatifs, de comités d’entreprises, municipaux ou de groupes touristiques à visée de rentabilité), des projets et des activités proposées, des lieux de séjours. Comment les dimensions de mixité sociale, de respect de l’environnement, de construction d’un mieux vivre ensemble, de participation citoyenne durant le séjour afin de se prolonger au-delà… sont-elles inscrites dans les objectifs et concrétiser ? cela est variable d’une colo à une autre…

A cette question des pédagogies, des contenues et des ambitions éducatives et citoyennes des séjours collectifs de vacances, il faudrait également interroger le recrutement, la valorisation et la professionnalisation des animatrices et animateurs. Faute d’un personnel formé qui fait défaut aujourd’hui, la qualité des colonies de vacances ne risque guère de s’améliorer.

Ces priorités manquent dans les dispositifs gouvernementaux qui ne semble envisager le problème que sous son angle financier. C’est un aspect nécessaire, mais pas exclusif, pour qu’au-delà de faire partir davantage d’enfants, elles et soient plus nombreux.ses à s’enrichir d’une expérience émancipatrice.


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