La mixité sociale et scolaire : une condition indispensable mais pas suffisante

Toutes les études, nationales et internationales, mettent en évidence que l’école française est une des plus discriminantes par rapport à l’origine sociale de ses élèves. Si 40 % des jeunes issus de familles privilégiées obtiennent un diplôme de niveau bac +5, ce n’est le cas que de 4 % des enfants des familles défavorisées, soit 10 fois moins. Le poids des déterminismes sociaux sur la réussite scolaire est d’autant plus important que la France est également l’un des pays où les écarts sociaux sont les moins importants, la redistribution y étant forte.

Qu’est-ce qui explique alors de telles inégalités face aux apprentissages scolaires ?

Comme souvent, les causes sont multiples.

La première souvent citée est celle des inégalités territoriales : aux quartiers non-mixés socialement correspondent des écoles et établissements scolaires ségrégés ;  « à quartier bourgeois école de riches, à quartier populaire école de pauvres » pour le dire vite et de manière un peu caricaturale… Pour autant, si cet aspect est réel, il doit être complété par deux autres dimensions qui concernent également les territoires. D’une part la répartition des ressources mêmes de l’Éducation nationale qui a fortement tendance « à prêter aux riches », par exemple en instaurant les classes les plus élitistes (classes préparatoires, sections internationales…) dans les établissements des « bons quartiers » ou en y affectant les enseignant.e.s les plus expérimenté.e.s… D’autre part la dualité scolaire conduit également à une séparation sociale entre les élèves des établissements publics et celles et ceux des établissements privés.

Face à ces constats, la revendication d’une meilleure mixité sociale à l’école s’impose. C’est autour de cette thématique qu’a débattu la table-ronde réunie le 14 septembre dernier à l’occasion de l’assemblée générale du Centre Henri Aigueperse. Elle réunissait Étienne Butzbach, en charge des questions d’inégalités scolaires pour le CNESCO, Youssef Souidi, post-doctorant en économie à Paris Dauphine, Denis Adam, délégué général du Centre et était animée par Nathalie Meyer, chargée de développement du Centre.

A partir de ses travaux sur la ségrégation scolaire, Youssef Souidi a confirmé un renforcement d’un entre-soi d’enfants issus de familles privilégiées dans les établissements privés, en particulier à partir du collège. Il a toutefois attiré l’attention sur le fait des disparités fortes existant en fonction des territoires. Si la ségrégation sociale est visible dans certaines villes, dans d’autres des établissements publics et privés cohabitent dans les mêmes quartiers et touchent les mêmes populations d’élèves : parfois issues de familles privilégiées, d’autres fois de familles défavorisées.

Etienne Butzbach a rappelé les exemples qui illustrent , comme à Paris ou Toulouse, qu’une volonté politique partagée peut apporter des pistes de solutions et lutter contre l’absence de mixité sociale dans les établissements scolaires publics. Il a insisté également sur le fait que là encore, les situations sont différentes pour chaque lieux et nécessitent donc que les solutions soient adaptées et construites avec l’ensemble des acteurs concernés, prenant en compte certes les aspects éducatifs, mais également ceux des transports, de la restauration…

Car si les premières causes de non mixité des établissements scolaires sont territoriales, ce ne sont pas les seules.

La question d’attractivité des établissements se pose. Quelles formations propose-t-ils ? Quels projets ? Comment valorisent-ils leur image ?

Celle des seuils de qualification en REP et REP+ se pose également. Mieux mixer les élèves ne présente-t-il pas le risque de perdre les moyens supplémentaires attribués à l’enseignement prioritaire ?

La mixité ne concerne pas seulement la répartition géographique, elle touche également l’organisation des classes et le mélange des élèves au sein de celles-ci.

Enfin, si tous les acteurs du système éducatif sont concernés, on ne peut faire l’économie d’interroger les attendus mêmes de l’école et leurs déclinaisons dans les pratiques pédagogiques des enseignant.es. En privilégiant un type de connaissances et donc d’apprentissage, en valorisant la compétition plus que la coopération, le mérite individuel au dépend des constructions collectives, les savoirs théoriques davantage que les manipulations, l’École française favorise les élèves dont la culture familiale est proche de la culture scolaire. A l’inverse, elle met en échec celles et ceux qui en sont éloigné.es. Elle creuse ainsi un fossé qui entretien ensuite les inégalité sociales, économiques, professionnelles, culturelles… au sein de la société. Cercle vicieux qui rappelle que pour l’UNSA Éducation – et les travaux de son centre de recherche, de formation et d’histoire sociale l’illustrent – il faut agir sur l’École pour construire dès aujourd’hui une nouvelle société éducative et solidaire. Cela passe par la mixité sociale à l’École, mais pas uniquement.

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Pour retrouver les travaux des participants à la table-ronde :

Etienne Butzbach :

Youssej Souidi : Politiques d’affectation scolaire, ségrégation sociale et compétences des élèves : essais sur le système scolaire français ; https://www.theses.fr/2022EHES0139

Le Centre Henri Aigueperse : https://centrehenriaigueperse.wordpress.com/2022/12/17/les-inegalites-scolaires/#more-3892

Deux podcast à écouter pour aller plus loin :

Inégalités scolaires, que fait l’État ? France culture,

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-des-matins/inegalites-scolaires-que-fait-l-etat-8688178

Lutter contre la ségrégation scolaire, Ifé,

https://ife.ens-lyon.fr/kadekol/ca-manque-pas-dr/50-lutter-contre-la-segregation-scolaire


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