Enseignement supérieur et transition écologique : beaucoup reste à faire

« La prise de conscience par l’enseignement supérieur des enjeux de la transition écologique est récente » selon le rapport de la Cour des comptes de décembre 2023 « L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR FACE AU DÉFI DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ». La Cour constate que si « de nombreuses initiatives ont été prises ces dernières années en la matière […] Elles sont cependant encore insuffisantes pour atteindre les objectifs affichés, manquant en particulier de nombreux outils pour développer une démarche rigoureuse, cohérente et efficace ».

Le rapport rappelle que pour l’enseignement supérieur la question écologique est double. Il s’agit à la fois de « réduire sa propre empreinte écologique, mais aussi, compte tenu de sa place dans la nation, pour produire, adapter et diffuser les connaissances nécessaires à la réussite de la transition écologique ».

Globalement il apparaît que la gouvernance de la transition écologique dans les établissement de l’enseignement supérieur est encore imparfaite et ses « enjeux ne sont pas toujours portés devant les conseils d’administration ». Du côté de l’État, la rapport pointe un retrait jusqu’à récemment, du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) ; son plan climat-biodiversité, adopté en novembre 2022, donne un nouvel élan dans « sa capacité à convaincre les établissements de suivre ses préconisations ». Alors que « de nombreux autres acteurs interviennent sur la transition écologique dans l’enseignement supérieur », la Cour regrette « qu’aucune instance ne coordonne leurs actions ».

Dans les formations, l’ambition reste à concrétiser

En février 2022, le climatologue Jean Jouzel a préconisé un tronc commun obligatoire dans le premier cycle de l’enseignement supérieur sur les questions écologiques. Cette préconisation est progressivement prise en compte depuis la rentrée universitaire de 2022 dans certains établissements et dans les écoles de service public. Il convient de généraliser la démarche. Cette adaptation du contenu et des méthodes d’enseignement à la transition écologique passe , pour la Cour, par « les enseignants [qui] doivent être convaincus de cette nécessité et se sentir impliqués et accompagnés dans cette évolution », en particulier par les « ingénieurs pédagogiques ou de formation, dont la fonction mériterait d’être développée ».

Si le nombre de formations diplômantes consacrées à la transition écologique augmente, l’absence « d’articulation avec le ministère de l’éducation nationale, indispensable en particulier pour les classes en lycée de BTS et les classes préparatoires, et avec le ministère de l’emploi, pour établir les compétences nécessaires en matière de métiers d’avenir », est préjudiciable.

De plus, le rapport souligne que « la formation continue est elle aussi trop restreinte pour les personnels administratifs, les enseignants et les doctorants », alors qu’un effort est en cours dans la fonction publique.

Alors que la recherche orientée vers la transition écologique est en plein développement et qu’elle constitue un enjeu important pour les établissements d’enseignement supérieur, le rapport constate que « les établissements ne se donnent pas en revanche toujours des moyens de la piloter dans de bonnes conditions, en définissant à leur niveau une stratégie cohérente ». La Cour rappelle les objectifs de « la programmation des thématiques de recherche clés de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et de France 2030 ».

Une stratégie énergétique est à construire

Une feuille de route nationale élaborée par le gouvernement, dénommée « Transition énergétique pour les bâtiments de l’État », prévoit l’intégration des objectifs de performance énergétique dans les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI). Cela est d’autant plus important dans le contexte inflationniste depuis 2022 et l’augmentation importante des prix de l’énergie. Or la Cour constate que « ni la direction de l’immobilier de l’État, ni le ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche n’ont élaboré, pour les opérateurs de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), une stratégie de rénovation globale du patrimoine immobilier universitaire ainsi qu’une trajectoire avec des jalons précis et les moyens financiers à déployer chaque année. Les outils eux-mêmes manquent ou sont insuffisants. Les dispositifs de régulation thermique sont loin d’être partout répandus. Les financements privilégient souvent la rapidité de mise en œuvre plus que la performance écologique ». De plus le financement de l’État est insuffisant et, « compte tenu de l’état des finances publiques » la Cour préconise de « mettre en place les conditions du développement d’instruments financiers diversifiés nécessaire pour faire face à cette perspective ». Elle y voit une des conditions indispensables pour  « une gestion durable des établissements et des campus ». la rapport dénonce le manque « au niveau des établissements comme du ministère, une planification effective, un pilotage à partir d’indicateurs et une programmation pluriannuelle des financements. La protection de la biodiversité fait rarement l’objet d’une cartographie des risques et de plans d’action exhaustifs ».

Forts de ces constats et analyses, la Cour des comptes fait les recommandations suivantes :

Sur la gouvernance

1. S’assurer de l’application avant fin 2024 de l’article 55 de la loi Grenelle du 3 août 2009 (établissement d’un schéma directeur « développement durable ») en l’assortissant d’un suivi budgétaire (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, établissements d’enseignement supérieur et de recherche).

2. Harmoniser d’ici fin 2024 les méthodes d’élaboration des bilans des émissions de gaz à effet de serre et s’assurer de leur réalisation (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche).

3. Simplifier et actualiser le référentiel développement durable et responsabilité sociétale (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche).

4. Mettre en place un tableau de bord harmonisé et partagé entre le ministère et les établissements d’enseignement supérieur permettant de mesurer les progrès accomplis en matière de transition écologique (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, établissements d’enseignement supérieur et de recherche).

Sur la formation

5. Développer la fonction d’ingénieur pédagogique se consacrant à la transition écologique, pour mieux accompagner son intégration dans les enseignements (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche).

6. Renforcer et évaluer les actions de valorisation des engagements en faveur de la transition écologique des personnels de l’enseignement supérieur et des étudiants (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, établissements d’enseignement supérieur et de recherche).

Sur la recherche

7. Compléter l’évaluation de la recherche des établissements d’enseignement supérieur par un examen systématique de la réalisation par les laboratoires d’un bilan d’émissions de gaz à effet de serre et d’un plan d’action « développement durable » (haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur).

Sur le défi énergétique du bâti

8. Présenter d’ici fin 2024 dans chaque établissement d’enseignement supérieur un plan d’amélioration des dispositifs de régulation du chauffage (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, établissements d’enseignement supérieur et de recherche).

9. Prévoir à l’occasion de l’élaboration ou de la révision des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) un examen systématique des possibilités de restructuration des bâtiments permettant une rationalisation énergétique (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, établissements d’enseignement supérieur et de recherche).

10. Introduire un critère de gain en matière d’émissions de gaz à effet de serre pour hiérarchiser les actions de rénovation thermique en faveur des bâtiments les plus émetteurs (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique).

11. Dans le cadre de la stratégie de rénovation énergétique des bâtiments de l’État, donner aux établissements de l’enseignement supérieur une visibilité dans la durée du financement de la rénovation de leur patrimoine (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique).

Sur la gestion des établissements et des campus

12. Prévoir dans les outils stratégiques (schémas directeurs développement durable, contrats d’objectifs) des volets adaptation au changement climatique et protection de la biodiversité (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, établissements d’enseignement supérieur et de recherche).

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Pour prendre connaissance de la totalité du rapport de la Cour des comptes :

Rapport public thématique L’enseignement supérieur face au défi de la transition écologique (vie-publique.fr)


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