Face aux trop faibles résultats des élèves français dans les évaluations internationales, la question de l’échec scolaire se pose de manière criante. Faut-il lutter contre et comment ? Faut-il identifier les élèves en échec et les mettre « à part » dans des classes de niveaux, des parcours spécifiques, des filières différentes ? Doit-on leur permettre de suivre une scolarité « normale », leur proposer du soutien, des remédiations, des cours supplémentaires, voire les faire redoubler ? Comment leur offrir une égalité des chances dans une école inclusive sans ralentir ou affaiblir celles et ceux qui réussissent ?
Ces interrogations ne sont pas nouvelles.
Le terme d’échec scolaire apparaît dans les années 1950, mais il n’entre réellement en usage que dans les années 1960 ?
N’y avait-il pas d’élèves en échec à l’école avant ces dates ?
Évidemment que si, mais l’approche était largement différente pour plusieurs raisons. Longtemps la focalisation s’est faite sur le « niveau » de l’enfant. Le « cancre », expression en vogue entre 1880 et 1930, était essentiellement perçu comme défaillant intellectuellement. S’il ne réussissait pas à apprendre c’est parce qu’il n’avait pas l’intelligence requise. Progressivement, les progrès de la psychologie vont nuancer cette approche. Ainsi pour Alfred Binet, comme l’expliquent Jean Ravestein, Caroline Ladage, et Caroline Hache* « il n’y a pas de mauvais élèves, il n’y a que des élèves à qui on demande des choses qu’ils ne sont pas capables de faire « comme les autres » ». Et les auteur.es de préciser que « c’est dans ce « comme les autres » que réside l’avènement de la notion d’échec scolaire ».
En 1960 en effet, 52 % des chefs d’entreprise n’avaient pas de diplômes du tout, 59 % n’avaient pas le bac. Aussi dans ce contexte, la notion d’échec scolaire n’avait pas le même sens, voire pas de sens dans une population si peu diplômée.
L’évolution de la notion correspond à une double évolution, celle d’une prise en compte des conditions sociales et culturelles des élèves avec le développement d’une corrélation entre les milieux socio-culturels des familles et les réussites ou échecs scolaires des enfants ; celle des études du fonctionnement même du système éducatif avec la massification scolaire et le mise en œuvre du collège pour tou.tes.
Qu’en déduire ?
Que « l’échec scolaire n’existe pas en soi » pour reprendre les mots de Francine Best** qui précise que « la notion varie selon le moment socio-historique où elle est considérée, selon les attentes de la société à l’égard de l’école et de l’école elle-même à l’égard des élèves, si bien que cette notion est loin d’être stabilisée ».
Ainsi l’échec scolaire est une construction. Son histoire dit à la fois la connaissance d’une société sur les démarches apprentissages, le fonctionnement de son école et les attentes à son égard.
Une manière d’analyser les rapports d’une société à son éducation : « dis-moi qui est en échec scolaire, je te dirai quelle politique scolaire tu mènes et donc, qu’elle société tu veux ! » Un indicateur encore bien d’actualité.
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Le site Theconversation.com propose un article en ligne sur le sujet sous la plume de Julien Cahon, de l’Université Jules Verne de Picardie : https://theconversation.com/lechec-scolaire-histoire-et-invention-dune-notion-217943
* Ravestein, Jean, Caroline Ladage, et Caroline Hache. « 1. L’échec scolaire est un phénomène récent », L’échec scolaire. sous la direction de Ravestein Jean, Ladage Caroline, Hache Caroline. Retz, 2021, pp. 11-24.
** Best, Francine, L’échec scolaire. Presses Universitaires de France, 1996, pp. 7-15.
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