Origine sociale des élèves en collège : la ségrégation se creuse

La note de la DEPP – Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance- du 18 mai 2024 dresse un état des lieux des populations accueillies au collège à la rentrée 2023. Le constat de grandes disparités selon le milieu social amène à parler de ségrégation sociale. Synthèses et chiffres clef pour mieux comprendre ce qui est en jeu.

« La ségrégation sociale entre établissements désigne le constat selon lequel les établissements scolaires accueillent des populations très différentes selon le milieu social. Elle est régulièrement mise en avant comme un facteur renforçant les inégalités scolaires. Elle soulève également un enjeu de cohésion nationale, dans la mesure où elle rend plus difficile la rencontre de jeunes de milieux sociaux différents. Pour ces raisons, faire diminuer la ségrégation entre les établissements scolaires, ou améliorer la mixité sociale, est inscrit dans les missions du service public d’enseignement. » Le début de la note de la DEPP rappelle quelques enjeux majeurs avant de décrire, entre graphiques et tableaux, le paysage d’une France dont la fracture sociale se creuse.

Privé / public : l’existence des deux secteurs à l’origine de fortes disparités sociales.

Si en moyenne, 35 % des collégiens sont enfants d’ouvriers ou d’inactifs, ils sont 58.8 % dans le dixième des collèges les plus défavorisés et moins de 12.4 % dans la même portion d’établissements les plus favorisés. Quant à la part d’enfants de cadres supérieurs, d’enseignants, de chefs d’entreprise, elle est de 7.1 % dans le dixième des collèges les plus favorisés alors qu’elle plafonne à près de 50 % dans la même part d’établissements les plus favorisés.

« Depuis le début des années 1980, le secteur privé scolarise environ un cinquième des collégiens(22 % en 2023). […] À la rentrée 2023, 42,3 % des élèves du secteur privé sous contrat sont de milieu social très favorisé contre 20,5 % dans le public. Inversement, 16,6 % des élèves du secteur privé sous contrat sont issus de milieu défavorisé contre 40,1 % des élèves du secteur public. »

La ségrégation entre privé et public augmente.

À l’échelle nationale, la ségrégation sociale entre collèges a relativement peu varié depuis 2014. Les collèges publics et privés tendent à une homogénéité sociale de plus en plus importante. Mais « les écarts de composition sociale entre secteurs public et privé se sont creusés, le secteur privé scolarisant de plus en plus d’élèves de milieu favorisé. »

Collège : miroir des aménagements territoriaux. 

La note ne fait pas l’impasse sur l’impact de l’organisation des territoires et ses auteurs admettent que « ces écarts sont en partie le reflet de la ségrégation urbaine. En particulier dans les grandes agglomérations, les élèves de milieu défavorisé sont surreprésentés dans certaines zones d’habitation. Une partie de la ségrégation sociale passe donc par l’implantation des collèges sur des territoires dont la tonalité sociale est plus ou moins favorisée. »

La ségrégation sociale est plus forte dans les départements les plus urbains. De plus, les écarts de répartition sociale entre secteurs public et privé sont forts dans les départements du bassin parisien, du nord de la France, du sud méditerranéen et les départements et régions d’outre-mer (hors Mayotte)

Enfin, l’étude révèle que la ségrégation sociale ne suit pas les mêmes tendances dans tout l’hexagone : si la moitié sud de la France subit une hausse des écarts, les départements du nord et de l’ouest voient l’écart de composition sociale entre public et privé baisser et la ségrégation globale diminuer.

La Note d’Information 24.19, ses figures et données complémentaires

Pour aller plus loin :

L’identification des mécaniques de la ségrégation au collège a fait également l’objet de cherches approfondies par Youssef Souidi.

Youssef Souidi est économiste, chercheur postdoctorant au CNRS et à l’Université Paris Dauphine-PSL. Ses recherches portent principalement sur les inégalités scolaires.

Son ouvrage analyse les liens entre politiques d’affectation scolaire et ségrégation sociale dans les collèges français et prend appui sur ses travaux de thèse soutenue en 2022 à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et à l’Ecole d’économie de Paris.

Youssef Souidi, Vers la sécession scolaire ? Mécaniques de la ségrégation au collège. Avril 2024. Fayard. 226 pages

Nous l’avons lu pour vous : accéder à la note de lecture.