Quelle formation des adultes au XXIe siècle ?

La formation.

Le terme « formation » est couramment utilisé dans notre environnement d’acteurs pour l’éducation. En ce premier quart du XXIe siècle, il mérite cependant d’être questionné, voire réinterrogé. En effet, qu’elle soit initiale, professionnelle ou continue, la formation n’est plus ce qu’elle était.

Depuis le siècle dernier, l’accès au savoir, à la « connaissance » a été révolutionné par la toile. Les moyens dont nous nous dotons pour construire un savoir-faire, que ce soit dans le domaine professionnel, pour du bricolage ou une recette de cuisine, sont interactifs et souvent connectés. L’origine des connaissances et compétences que nous construisons tout au long de notre vie est, très peu souvent, d’une source unique.

A ce contexte, s’ajoute la nouvelle dimension de l’Intelligence Artificielle Générative dont on estime que « de nombreuses activités professionnelles impliquant la communication, la supervision, la documentation et l’interaction avec les personnes en général ont le potentiel d’être automatisées par l’IA générative, accélérant ainsi la transformation du travail dans des professions telles que l’éducation ». [1]

Du travail de potier à la construction d’un environnement personnel d’apprentissage – EPA.

Étymologiquement, la formation revient à l’action de donner une forme, à l’image du potier qui travaille la terre jusqu’à lui donner l’aspect escompté. Si la métaphore de l’individu comme un vase à remplir de connaissances semble obsolète, les expressions « former », « se former » ou « être acteur de sa formation » sont du lexique courant de la formation. Pourtant, même cette dernière occurrence, qui vise à sortir l’apprenant d’une position passive face à ses apprentissages, fait également référence au monde du spectacle où chacun incarne un rôle bien défini à l’avance. La formation comme art de jouer un rôle bien appris traduit pourtant une vision réductrice de l’être humain. Nul besoin de faire référence aux neurosciences pour affirmer que nos capacités à établir des liens et des connexions sont inhérentes à la nature humaine.

Aussi, parler de formation au XXIe siècle ne peut se définir sans conscientiser son propre environnement personnel d’apprentissage (EPA) et, en tant que formateur, prendre en compte la manière dont un apprenant organise les informations qu’il reçoit pour construire son savoir, agréger ce qu’il lit et ce qu’il apprend.

Chaque adulte a déjà construit son environnement personnel d’apprentissage. Il va du dictionnaire resté sur l’étagère au moteur de recherche en passant par un tutoriel sur une plateforme, une messagerie instantanée ou toute autre application prenant en compte les expert.es que nous côtoyons ponctuellement ou dont nous lisons les publications. Et pour certain.es, des outils de traduction et autres nouveaux outils d’IA générative viennent compléter la palette.

ATAWADAC : le cri de ralliement du digital auquel plus personne n’est sourd

ATAWADAC[2] est un acronyme : « ANY TIME ; ANY WHERE ; ANY DEVICES ; ANY CONTENT » ; qui correspond à l’accessibilité de contenus ou de services en tout temps, de partout via n’importe quel support digital. Qui ne dégaine pas son smartphone pour mieux comprendre un concept, retrouver une date ou un auteur, pour rechercher des éléments de réponses à la résolution d’une situation problème à laquelle il est confronté ?

Le nouvel enjeu de la formation est donc d’enrichir l’environnement personnel d’apprentissage que chacun a déjà construit. Prenant appui sur les aptitudes de l’apprenant : capacité d’initiative, proactivité, réflexivité, l’expert.e prend ainsi le rôle de facilitateur (et non de formateur). Il devient alors un facilitateur de l’agentivité[3] de l’apprenant, c’est-à-dire qu’il va faciliter la capacité de l’apprenant à agir sur lui-même, sur ses savoirs, sur ses savoir-faire et ses aptitudes. Pour aller plus loin, faisons référence au concept d’apprentissage social d’Albert Bandura qui défend la thèse de la dynamique intra-individuelle comme élément moteur de l’apprentissage des adultes : pour lui, le formateur n’apprend rien et ne motive pas, mais il créé les conditions favorables à la motivation et à l’apprentissage.

Le paradoxe de l’amphithéâtre et de la visio-conférence

Nous ne pouvons aller plus loin dans l’analyse du rôle de l’expert (de l’enseignant, du formateur, …) sans aborder la théorie de la distance transactionnelle[4]. Si vous avez participé à des Moocs, des visio-conférences ou des cours en ligne avec un chat, un forum ou d’autres outils d’échanges collaboratifs vous avez certainement pu interpeller l’expert-formateur ou échanger avec les pairs qui peuvent résider sur un autre continent. Et cela, peut-être bien plus facilement qu’avec le maitre de conférences positionné en bas de l’amphithéâtre d’un cours en présentiel. La distance transactionnelle n’est donc absolument pas proportionnelle à la distance géographique.

Le digital a non seulement révolutionné l’accès au savoir scientifique ou empirique, mais il a également transformé les rapports sociaux. Considérant que la reliance[5] est un besoin fondamental de l’individu et que notre environnement est digitalisé, il convient de prendre conscience qu’un « stage » ou une « formation » ne sont qu’une possibilité parmi d’autres pour créer un contexte collectif d’apprentissage. Aujourd’hui, parler de communauté d’apprentissage[6] permet d’englober, de créer, des collectifs d’apprenants qui dépassent toutes sortes de frontières.

Mais quelles sont les conditions de réussite d’une communauté d’apprentissage ?

Quels modes de formation des adultes sont pertinents au XXIe siècle ?

Le numérique en formation : quelle place et quel rôle ?

A l’image d’une passerelle entre les travaux universitaires et votre environnement professionnel, cet article est le premier d’une série sur le thème de la formation d’adultes en 2024-2025.  Le Centre Henri Aigueperse vous proposera des écrits à but informatifs, réflexifs et à visée métacognitive. Nous nous intéresserons particulièrement aux travaux de l’équipe d’enseignants et de chercheurs APFORD, Apprenance, Formation, Digital, du Centre de recherche en éducation et formation -CREF- de l’Université Paris Nanterre et vous transmettrons la synthèse de notre veille sur le sujet.

A très bientôt donc, pour le prochain épisode !


[1] Rapport collectif,  The economic potential of generative AI : The next productivity frontier , juin 2023, p. 25 et 41. Ce rapport a été le cabinet international de conseil en stratégie McKinsey & Company,

[2] Le concept d’ATAWAD (AnyTime, AnyWhere, AnyDevice), une marque déposée par Xavier Dalloz, expert en stratégie digitale. Il a également inventé le néologisme français de « mobiquité », fusion des mots mobilité et ubiquité. Il décrit la capacité d’un usager en situation de mobilité à se connecter à un réseau sans contrainte de temps, de localisation, ou de terminal.

[3] Le concept d’agentivité (« agency ») est de plus en plus utilisé en sciences sociales avec des sens parfois différents mais complémentaires. Source : FRANÇOIS, Pierre-Henri, « Fondements sociaux de la pensée et de l’action chez Bandura ». Savoirs, 2004/5 Hors série, 2004. p.51-58. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-savoirs-2004-5-page-51?lang=fr.

[4] La théorie de la distance transactionnelle a été élaborée dans les années 1970 par Michael G. Moore, professeur d’éducation à l’université de Pennsylvanie. Il s’agit de la première théorie pédagogique qui compare une analyse de l’enseignement en classe et de l’apprentissage à distance.

[5] BOLLE DE BAL, Marcel,« Reliance, déliance, liance : émergence de trois notions sociologiques ». Sociétés, 2003/2 no 80, 2003. p.99-131. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-societes-2003-2-page-99?lang=fr.

[6] CRISTOL, Denis, « Les communautés d’apprentissage : apprendre ensemble ». Savoirs, 2017/1 N° 43, 2017. p.10-55. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-savoirs-2017-1-page-10?lang=fr.


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