80 ans après la libération d’Auschwitz : histoire et transmission

Le 27 janvier 1945, les troupes soviétiques ont découvert et libéré le camp d’Auschwitz situé en Pologne. Le monde apprenait ensuite progressivement toute l’horreur de l’extermination des Juifs d’Europe et des Tziganes, organisée par le nazisme et les partisans d’Hitler[1]. Plus globalement, l’ampleur de l’« univers concentrationnaire » pour reprendre l’expression de David Rousset[2] fut dévoilé par étapes dans la seconde partie du XXème siècle. 80 ans plus tard, il est impératif d’aborder cet épisode tragique, à l’heure où les témoins directs sont de plus en plus rares et où la contestation de la Shoah est présente. La recherche historique continue de progresser dans la connaissance de cette période et la transmission se poursuit par de nombreuses initiatives mémorielles. Dans cet article, nous souhaitons tout d’abord revenir sur deux publications récentes.

Aux côtés des victimes

Deux études paraissent ce mois-ci et éclairent notre connaissance de cette période. Le premier ouvrage est signé par un historien polonais, Piotr M.A. Cywinski, directeur du musée d’Auschwitz Birkenau. Intitulée « Auschwitz. Une monographie de l’humain » son étude se concentre avant tout sur les victimes et les voix des survivants qui ont essayé de rendre compte de leur vécu durant ces terribles années[3]. L’auteur s’appuie sur une connaissance exhaustive de tous les témoignages, publiés ou non, dans la plupart des langues des prisonniers qui ont séjourné dans ce camp d’extermination. Le travail d’archives est gigantesque et remarquable. Chaque chapitre aborde un thème et l’historien fournit de nombreuses citations et explications de survivants et survivantes. C’est avant tout une histoire incarnée que l’on peut lire, souvent avec une grande émotion. Une fois passé le choc initial de l’arrivée au camps qui dépasse l’entendement, il faut tenter de survivre : le livre aborde ainsi les questions de la faim, de la soif, du froid, ou bien encore de la mort, de la solitude et du suicide. Comment garder espoir dans un tel contexte ? Comment conserver une part d’humanité alors que les nazis ont mis en place un implacable dispositif d’extermination ? Plusieurs chapitres détaillent cet aspect en abordant le sujet de l’entraide, des liens familiaux ou d’amitié ou bien encore de l’amour. On peine parfois en tournant les pages de ce remarquable livre d’histoire, pris à la gorge par l’émotion. Mais il faut lire cette étude, car elle donne à voir le réel de ce que les victimes ont vécu, et aussi l’ignoble projet nazi d’extermination. D’autres chapitres contiennent quelques témoignages sur la dignité humaine, en évoquant la culture, l’apprentissage, ou bien encore l’espoir malgré tout. On ne sort pas indemne de cette lecture, mais c’est un livre qu’il faut lire. Parfois, en s’arrêtant après avoir terminé un chapitre trop éprouvant. À d’autres reprises, on retrouve un peu son souffle après avoir lu des témoignages qui nous révèlent la force de la nature humaine placée dans un espace de détention placé sous le signe de la terreur nazie. Ce livre est à conseiller sans retenue.

En France, la connaissance de l’extermination de la population juive a été progressive : un patient travail d’archives se met en place dès la libération des camps, associant survivants, enfants de victimes et historiens professionnels. Les rouages de la mise en place de la Shoah en France sont progressivement connus, alors que certains acteurs ou historiens ont cherché à atténuer le rôle de Vichy et de Philippe Pétain dans cette extermination. Laurent Joly étudie avec attention le travail de mémoire après 1945. Son livre a pour titre « Le Savoir des victimes. Comment on a écrit l’histoire de Vichy et du génocide des juifs de 1945 à nos jours » et il révèle le rôle précurseur de quelques hommes et femmes, à la fois militant.es de la mémoire et praticien.nes d’une histoire basée sur les archives et les témoignages[4]. Il relate plus particulièrement l’histoire du Centre de documentation juive contemporaine et des premiers pionniers qui ont dévoilé rapidement les responsabilités de Vichy. Il étudie également le travail historique qui se fait progressivement à partir des années 1960, avec le rôle majeur de l’historien Robert Paxton puis d’Henry Rousso. Face à des travaux erronés et à la permanence d’une mémoire vichyste jusqu’à aujourd’hui visant à nier les responsabilités de l’État français, Laurent Joly fait une œuvre indispensable pour l’histoire et la mémoire.

Nous rappelons enfin que le prix Maitron 204 porte sur cette période : Shérézade Prabel est l’autrice du mémoire  » Un Jour je raconterai. Rescapées juives d’Auschwitz, auteurs de témoignages précoces et leurs récits (1945-1996) »

L’indispensable travail de transmission

L’Histoire permet de comprendre les enjeux du temps présent et de connaître le déroulement des faits, la Mémoire permet de se souvenir des victimes et de celles et ceux qui ont combattu pour la liberté et la démocratie ou pour simplement conserver leur dignité humaine.

80 après, cette journée du 27 janvier est également l’occasion de mener une réflexion avec les élèves et les jeunes sur la Shoah et les génocides reconnus, en s’appuyant sur les programmes scolaires et sur les ressources disponibles.

À l’heure où la génération des témoins directs est en train de disparaître, il est indispensable en ce jour du 27 janvier de rappeler à toutes et tous l’importance de l’histoire et de la mémoire des génocides. Comme l’indiquait Simone Veil dans un discours en 1990 : « Nous avons à faire toujours plus pour transmettre à nos enfants et nos petits-enfants notre douloureuse expérience afin que, prenant notre suite, dans la fidélité, tous ensemble ils luttent pour que plus jamais il n’y ait d’Auschwitz. »

Pour aller plus loin :

Fondation pour la Mémoire de la Shoah 

Le centre de documentation du Mémorial de la Shoah 

Éduquer contre le racisme et l’antisémitisme 

Nous avons commencé à publier des articles sur le sort de syndicalistes de l’éducation durant cette période :

Voir cet article sur Georges Lapierre, mort en déportation

 Dans les prochaines semaines et les prochains mois, nous aurons l’occasion d’aborder régulièrement cette période. Plus généralement, voir le site de la Mission des 80 ans de la Libération.


[1] Une bonne synthèse récente sur l’histoire de l’extermination des Juifs d’Europe : Saul Friedländer, les années d’extermination. L’Allemagne nazie et les juifs 1939-1945, Points Histoire, Seuil, 2012.

[2] David Rousset, L’univers concentrationnaire, préface d’Annette Wieviorka, éditions de Minuit, réed.2024. Ce témoignage réédité il y a quelques mois, fut l’un des premiers à rendre compte de l’expérience concentrationnaire.

[3] Piotr M.A.Cywinski, Auschwitz.Une monographie de l’humain, Paris, Calmann Lévy -Mémorial de la Shoah, 2025.

[4] Laurent Joly, Le Savoir des victimes. Comment on a écrit l’histoire de Vichy et d génocide des juifs de 1945 à nos jours, Grasset, 2025.


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