Le point médian : l’arbre qui cache la richesse du langage inclusif

A l’occasion du mois de l’égalité, l’Université d’Angers a notamment organisé une table ronde intitulée « Le langage inclusif : un combat de longue date » en présence de la professeuse émérite Eliane Viennot et des deux traductrices Lorraine Delavaud et Marine Vaslin.

Les échanges étant particulièrement éclairants, notre propos ici est donc de les partager et de prolonger les réflexions engagées lors de cette table ronde.

Débattu par toutes et tous dans toutes les strates de la société, le langage inclusif pâtit d’un handicap majeur : n’étant établi par aucune définition officielle, il est ajusté en fonction des buts visés par l’interlocuteur le convoquant.

Étendard tantôt valorisé tantôt honni, il cristallise à lui seul réflexions universitaires, politiques, sociétales et in fine questionne le lien essentiel entre la langue partagée par un peuple et les réalités vécues par celui-ci quotidiennement.

Ainsi, pour Eliane Viennot, historienne de la littérature et critique littéraire française, « le problème n’est pas le langage écrit mais le langage en général » ; et elle précise même, « le problème n’est pas le point médian mais de manier un langage qui soit égalitaire ». Car, à défaut d’être défini voire définitif, le langage inclusif vise un but majeur : représenter toutes les catégories des locutrices et des locuteurs qui le manipulent.

Et c’est bien en cela que la bataille autour de son usage qui, au départ ne convoque que des questions techniques liées entre autres aux modalités d’accords ou aux termes genrés ou épicènes, est devenue un enjeu politique.

Quand Eliane Viennot pose comme base de toute réflexion la nécessité de « parler des femmes au féminin », l’Académie française voit dans cette volonté de (re)féminiser le langage un « péril mortel ». Or, si l’on se place du point de vue sociétal, l’effacement, voire l’interdiction d’utiliser certains mots au féminin ou certaines règles de grammaire comme celle de l’accord de proximité (non enseignée bien que jamais abrogée officiellement), démontrent une volonté politique d’effacer sinon de minimiser l’existence de la moitié de la population française. Comment légitimer l’existence d’une réalité sans aucun mot pour la désigner ?

Dernièrement est apparu un autre courant réflexif dans la construction du langage inclusif : l’usage de termes épicènes pour dégenrer le langage. Présenté comme non binaire, il cherche à refléter les réalités vécues par les personnes souhaitant s’inscrire dans un genre neutre et là encore, pose une question sociétale : la catégorisation à la naissance est-elle prescriptive du genre d’un individu tout au long de sa vie ?

La question du « point médian » est donc bien l’arbre qui cache la richesse des réflexions sous-jacentes, que l’on penche pour un courant linguistique ou pour un autre. Quelques soient les pistes envisagées, il nous semble que la nécessité est de sortir des débats stériles trop souvent relayés par des agitateurs ou des agitatrices néophytes et de permettre à la langue française d’évoluer pour enfin refléter la richesse de son peuple.

Pour aller plus loin :

Viennot.E. (2018) Le langage inclusif : pourquoi, comment (Collection xx-y-z) Editions iXe

Le guide l’écriture inclusive de l’UNSA : https://www.unsa-education.com/magazines/guide-decriture-inclusive/


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