Les théories de l’apprentissage : décryptage pour mieux comprendre les enjeux en formation et changer notre façon de former

Et si apprendre, ce n’était pas juste retenir des informations mais changer notre façon de penser, de ressentir, d’agir ? Et si chaque apprenant était un explorateur, un bricoleur du savoir, qui avance à son rythme, avec ses essais, ses erreurs ? C’est ce que nous montrent les grandes théories de l’apprentissage, et elles ont encore beaucoup à nous dire.

Présent du colloque de l’IGPDE[1] intitulé « De la formation à l’action, enjeux théoriques, pédagogiques et pratiques », le Centre Henri Aigueperse a notamment pu assister à la conférence inaugurale d’Aurélie Van Dijk.

Docteure en psychologie cognitive actuellement consultante formatrice chez CSP[2], Aurélie Van Dijk interroge par son propos les liens entre apprentissages et modalités de formation. C’est l’occasion pour le Centre Henri Aigueperse de revenir sur les quatre principaux courants jalonnant tout processus de formation et ce afin d’en questionner les résonances avec les éléments récents issus de la recherche, notamment en neurosciences.

 La théorie comportementaliste ou behavioriste – Début du XXème siècle

Le behaviorisme est une théorie d’apprentissage visant à conceptualiser ce qui se passe physiquement et cognitivement lorsqu’un individu apprend. Appliqué à la pédagogie, le behaviorisme considère qu’apprendre consiste à transmettre des savoirs, en renforçant des comportements via des stimuli positifs (récompenses) ou négatifs (punitions) qui vont conditionner l’apprenant à donner de bonnes réponses. On retrouve ici des chercheurs tels que Ivan Pavlov sur la notion de réflexes ou Burrhus F. Skinner sur la notion de renforcement positif. Le principe général de fonctionnement est celui de l’ « apprentissage par essai-erreur » et de la prédominance du tuteur ou de l’éducateur qui a ici un rôle clé dans le parcours de l’apprenant notamment en termes d’observation et de feed-back.

Les béhavioristes nous ont appris donc que la répétition, les récompenses et les corrections aident à ancrer les savoirs. Mais aujourd’hui, face à la complexité des métiers et des compétences à transmettre, est-ce suffisant ?

La théorie cognitiviste – A partir des années 1940

Le cognitivisme, issu de la psychologie cognitive, s’intéresse à la manière dont le cerveau perçoit et traite l’information lors du processus d’apprentissage.

Selon cette théorie, la façon dont nous apprenons dépend de la manière dont notre esprit absorbe, stocke, traite et accède à l’information. Lorsque nous apprenons de nouvelles choses, notre cerveau est capable de transférer l’information que nous avons apprise et de l’appliquer à de nouvelles situations ou problèmes en se basant sur les « 3R » du processus de mémorisation : « Recevoir » (l’encodage) puis « Ranger » (le stockage/ la répétition) et enfin « Rappeler » (la récupération de l’information). Le rôle du formateur ou de l’éducateur est ici de proposer un environnement particulièrement guidant et répétitif à l’apprenant. 

Les cognitivistes nous parlent donc du cerveau, de la mémoire, de l’attention, de la surcharge… Mais comment faire pour que l’information arrive vraiment jusqu’au cerveau de l’apprenant et surtout, comment faire pour qu’elle y reste ?

La théorie constructiviste – Début des années 1950

Dans le constructivisme, l’apprenant est au cœur de son apprentissage. Notamment développé par Jean Piaget, cette théorie considère que l’apprenant acquiert des connaissances en partant des perceptions qu’il a de sa réalité et de son vécu : par l’assimilation via l’intégration de nouvelles connaissances existantes et par l’accommodation c’est-à-dire le réajustement des connaissances initiales avec les nouvelles acquises. Dans ce processus, le formateur ou l’éducateur va être un facilitateur dans son rôle de guidage de l’apprenant.

Selon les constructivistes, on apprend alors en construisant et non plus en écoutant passivement. L’erreur devient un outil, le tâtonnement une méthode. Et si chercher, tester, s’adapter valait mieux qu’un cours tout fait ? Et si on apprenait mieux en agissant qu’en écoutant ?

La théorie socio-constructiviste – Fin des années 1960

Porté entre autres par Lev Vygotski, le socio-constructivisme prolonge la théorie développée par Piaget pour y inclure l’échange et la confrontation des idées au cœur du processus d’apprentissage. Le socio-constructivisme repose sur une idée essentielle : l’apprenant ne reçoit pas la connaissance, il la construit, et cette construction ne se fait pas seul, mais dans l’interaction avec les autres. Le rôle du formateur ou de l’éducateur est alors ici celui d’un médiateur : rendre accessible à l’apprenant le savoir visé sans pour autant le lui transmettre. L’apprenant est ainsi soutenu dans sa démarche qui doit être progressivement la plus autonome possible.

Le socio-constructivisme va donc plus loin que ces prédécesseurs en développant l’idée qu’on apprend aussi beaucoup avec les autres, en discutant, en observant, en partageant. Dans nos formations, laisse-t-on alors assez de place aux échanges, aux regards croisés, au travail en équipe pour favoriser cette construction partagée des apprentissages ?

L’apport des neurosciences cognitives

Les neurosciences cognitives sont « l’ensemble des disciplines qui ont pour objet d’établir la nature des relations entre la cognition et le cerveau » (Tiberghien, 2002). Appliquées à la formation, elles se traduisent dans les domaines de la neuroéducation ou neuropédagogie. Médiatisées notamment par les travaux de Stanislas Deheane, Stève Masson et Céline Fouquet, les neurosciences proposent des modélisations de l’acte d’apprendre basées sur une récurrence : la plasticité du cerveau. Rien n’est donc figé indéfiniment et on est un apprenant à tout âge de notre vie. Un autre axe fondamental apporté par les neurosciences est le rôle essentiel des émotions (positives comme négatives) dans tout le processus d’apprentissage. A ce titre, les neurosciences insistent sur la notion de « plaisir d’apprendre » qui va venir compenser les moments d’erreurs inévitables dans tout parcours. Par exemple, la place du jeu en formation, quelque soit l’âge des apprenants, est une variable à investiguer pour faciliter et renforcer l’acquisition des apprentissages visés.

Les neurosciences nous rappellent donc que notre cerveau est fait pour apprendre… s’il est engagé, curieux, stimulé. Alors, en formation, comment capter l’attention ? Comment créer des moments qui marquent, qui donnent envie de continuer ?

Les enjeux pour la formation

Il ne s’agit pas ici d’indiquer que telle ou telle théorie est à privilégier ou serait dépassée, mais d’identifier que l’acte d’apprendre est un objet d’études à part entière qui nécessite un réajustement permanent du formateur ou de l’éducateur tant dans sa posture que dans ses choix de mises en œuvre.

A la fois centré sur les besoins de l’apprenant mais souvent à l’échelle d’un collectif, tour à tour guidant, modélisant ou facilitant, il est avant tout un accompagnateur dont l’objectif in fine est l’acquisition de nouveaux savoirs, savoir-faire ou savoir-être.

De nombreuses pistes sont à investiguer dont notamment la multimodalités des formations : proposer plusieurs types de cheminements pour atteindre un même but afin que chaque apprenant puisse avancer à son rythme au sein du groupe. Favoriser l’engagement individuel pour enrichir l’expérience collective.

Une chose est sure, former aujourd’hui, ce n’est pas juste transmettre. C’est éveiller, impliquer, faire vivre ! C’est aussi questionner la place laissée à l’envie, au jeu, à l’erreur ! C’est atteindre l’objectif défini au départ tout en s’autorisant à parfois oser sortir du cadre pour apprendre autrement.

Pour aller plus loin :

La ludopédagogie : https://centrehenriaigueperse.com/2025/04/14/la-ludopedagogie-le-jeu-pour-favoriser-les-apprentissages/


[1] IGPDE : Institut de la gestion publique et du développement économique dépendant du Ministère de l’économie et des finances

[2] CSP : Lefebvre Dalloz Compétences


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