L’Éducation est (aussi) une affaire de collectivités territoriales

Et si l’implication croissante des collectivités territoriales dans le domaine éducatif les « à exprimer une volonté forte de dépasser le rôle de « prestataires » issu des premières lois de décentralisation, pour participer à la définition de projets éducatifs et à leur conception » ?

Au-delà de cette interrogation, c’est en fait cette revendication de coconstruction qu’illustre le rapport de l’inspection générale du Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse, « Articulation des compétences des collectivités territoriales et de l’État dans les politiques nationales et territoriales de l’enfance », rendu en mars dernier et qui vient d’être mis en ligne en ce mois de novembre.

Le rapport rend compte d’une montée en puissance progressive des responsabilités confiées au collectivités territoriales dans le champ éducatif.  Les transferts « de gestion des fonctions supports des services et établissements de l’éducation nationale, telles que celles du bâti scolaire, du fonctionnement matériel des établissements, des transports d’élèves ou d’une part du numérique éducatif » apparaissent comme significatifs de ce mouvement qui rend nécessaire une articulation entre l’État et les collectivités. Elle est devenue, pour les auteur.e.s du rapport, une réalité illustrée par « l’évolution des budgets consacrés par l’État et par les collectivités à l’éducation » et  se traduisant « par la mise en place progressive d’outils et de moyens en faveur d’un système éducatif modernisé ».

Pour autant, force est de constater que des progrès sont encore à réaliser. C’est le cas dans le domaine du numérique éducatif dans lequel, le rapport fait siennes les préconisations des avis précédents de la cour des comptes et du Conseil économique, social et environnemental, prônant d’une part la constitution d’un véritable service public du numérique éducatif piloté par une gouvernance partagée et d’autre part un renforcement de la formation des enseignants et des familles.

Pierre d’achoppement de cette articulation, la gestion des personnels et la problématique du transfert des adjoints gestionnaires  réclamé par les collectivités, mais non voulue par les personnels demeure « un point sensible » sur lequel la mission se contente de renvoyer aux projets de la loi 3DS alors en débat et qui prévoie « que la collectivité territoriale exerce, au titre des compétences qui lui incombent, l’autorité fonctionnelle sur l’adjoint gestionnaire des EPLE, sans qu’il y ait transfert, dans trois domaines : en matière de restauration, d’entretien général et de maintenance des infrastructures et des équipements ».

Le sujet de l’information et de l’orientation hérite d’une histoire que le rapport indique « tantôt mentionnée comme le levier d’une articulation entre les services de l’État et des collectivités territoriales, tantôt comme un obstacle ». Alors que la loi du 5 septembre 2018 donne aux conseils régionaux une compétence élargie en matière d’information sur les métiers et les formations, en l’étendant aux publics scolaire, apprenti et étudiant, il n’en demeure pas moins, le rapport ne peux que constater que « toutes les régions n’ont pas atteint le même niveau d’avancement dans la mise en œuvre de ce nouveau partage de compétences ». Si « certaines offrent d’ores et déjà des exemples de bonnes pratiques », il est à noter qu’ils « se développent généralement dans le prolongement d’habitudes de coopération entre services de la région et services de l’État déjà bien installées ». là encore, le recours à la formation des personnels et une meilleure coordination dans l’information faite aux familles apparaissent comme des mesures indispensables.

Rappelant l’historique des « dispositifs d’aménagement des rythmes de vie de l’enfant et d’organisation d’activités péri- et extrascolaire : des loisirs dirigés de 1937 aux PEDT de 2014 », le rapport montre combien de « nouvelles compétences ont été prises en compte par les exécutifs locaux » comme la réussite scolaire, le rythme de vie de l’enfant et de l’élève, l’ouverture culturelle, mais aussi les grandes disparités existant entre les territoires. La construction de politiques éducatives partagées ou partenariales se heurtent largement à la définition de ses objectifs. L’Éducation nationale a tendance à ne chercher à ne mesurer l’efficacité des activités périscolaires qu’uniquement en termes de réussite scolaire. Avec l’insertion des politique de jeunesse au sein des politiques dites éducatives les auteur.e.s du rapport se demandent si « l’approche éducative, mais aussi très largement ciblée sur une politique sociale de jeunesse […], peut-elle répondre à l’objectif affiché par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, de travailler à une continuité éducative qui réussisse à articuler de façon efficace et pertinente pour les territoires les apports académiques avec une offre périscolaire culturelle sportive ou sociale ? ». Il en concluent par la nécessité d’« un travail commun entre l’éducation nationale, les collectivités territoriales et tous les autres partenaires engagés », dont les associations et les mouvements d’éducation populaire. Mais ils notent également, qu’ « au-delà de l’action des acteurs, parfois timides dans leur volonté d’une articulation efficace, un certain nombre de procédures administratives rendent cette construction complexe et peu lisible » et que « la complexité des instances consultatives ou décisionnelles existantes, […] semblent freiner l’ambition d’une articulation réelle et sérieuse, ou [conduire] à des postures de prudence qui contraignent un rôle plus prégnant des collectivités ».

Alors même que le ministère affiche son champ de compétences élargi à l’Éducation nationale et à la Jeunesse, les constatations de ce rapport questionnent la volonté de co-construire une véritable politique éducative articulée dans et hors l’école. Il pose les bases d’une réflexion dont les réponses restent à imaginer et à mettre en œuvre dans un partenariat réinventé.

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Le rapport de l’IGESR peut être consulté ici : https://www.education.gouv.fr/articulation-des-competences-des-collectivites-territoriales-et-de-l-etat-dans-les-politiques-340901

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