Une génération « covid » victime d’un phénomène d’hystérèse

« L’insertion future de ces élèves et jeunes étudiants sur le marché du travail en sera d’autant plus périlleuse.
À cette situation s’ajouteront de probables phénomènes d’hystérèse. »

Agir pour la réussite des jeunes en difficulté, dans leurs territoires,

Terra Nova, avril 2021,

Pour les jeunes, après la crise, cela risque d’être encore la crise.

C’est ainsi que l’on pourrait traduire ce phénomène dit d’hystérèse ou d’hystérésis qu’utilisent Olivier Faron et Marc-François Mignot Mahon, dans leur rapport pour Terra Nova.

Ils appuient leur analyse sur le fait que 13,5 % des jeunes âgés de 15 à 29 ans ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation en 2021. Un pourcentage en augmentation alors qu’il était en baisse depuis plusieurs années.

Un risque double émerge donc.

Tout d’abord, une difficulté inhérente à la situation sanitaire : « les difficultés vécues par les jeunes en formation durant le confinement ont accru les risques de décrochage. Perte de contact en raison du distanciel, mauvaises connexions et manque de familiarité avec les outils numériques, limitation des perspectives de stage et de places en alternance, découragement… La pandémie est ainsi venue renforcer des difficultés déjà sensibles ». Leur entrée dans la vie active va donc en être fortement perturbée.

Mais ensuite, une fois la pandémie terminée, qu’en sera-t-il ? Pour les auteurs du rapport, « ayant été fragilisés par ces circonstances ou étant arrivés sur le marché du travail au moment où la crise détruisait de nombreuses opportunités d’emploi, pérennes ou temporaires, destinées aux nouveaux entrants (contrats courts, possibilités de formation en alternance, etc.), de nombreux jeunes en subiront longtemps les conséquences dans leur parcours professionnel et priveront les entreprises et plus largement l’économie d’une main-d’œuvre motivée et productive. Les effets de discrimination cumulés se verront renforcés: géographiques, sociaux, culturels… ».

Ainsi donc, paradoxe de cette situation sanitaire : « les jeunes auront été à la fois physiologiquement les plus protégés contre le virus et socialement les plus exposés aux ravages économiques qu’il a engendrés ». D’où la notion d’une « génération Covid ».

Alors que les causes immédiates cessent, les conséquences se prolongent : tel est le phénomène d’hystérèse, emprunté aux mathématiques et largement utilisé en sociologie, en particulier par Pierre Bourdieu pour désigner la persistance dans le temps de « dispositions acquises par la socialisation [ habitus ] d’un individu dans un espace social défini » alors même que celui-ci a évolué, s’est transformé, voire a disparu.

Concernant les difficultés rencontrées par une partie des jeunes, le phénomène d’hystérèse invite donc à agir sur une double temporalité : une attention immédiate par rapport « aux décrocheuses et décrocheurs » et un accompagnement à moyen terme. Le numérique et l’apprentissage largement valorisé par le rapport Terra Nova peuvent y aider, mais il y a fort à parier qu’ils n’y suffiront pas. Une véritable politique ambitieuse de jeunesse s’impose et devient urgente.

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